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Arts & Récits Autochtones - La marche

La marche

2013 - Lauréat de récits

Je ris à cette affirmation! « Donc le premier pas vers le changement commence par un parcours d’un millier de miles, c’est ça? » Il hausse les épaules. « Pourquoi pas? Combien de fois as-tu vu une personne changée par un parcours changer ensuite son village? Pourquoi sept personnes voyageant vers la capitale ne pourraient-elles pas inspirer une nation? »

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Robert McCue

Tottenham, ON
Chippewas of Georgina Island
Âge 16

Une note d'auteur

My short story originally was intended for a school assignment. However, as I progressed with my original idea I found it more and more difficult to keep the words flowing without it becoming something that would bore someone to tears. As I sat around with a bad case of writer’s block, just not wanting to do the project in general, my mom absentmindedly asked, “I wonder how the walkers are doing?” This would be the first time I had heard of them and naturally I was interested in it, but after I watched the video my mom showed me I quickly lost interest and became absorbed, once again, in my assignment.

As my deadline loomed closer, the seven Cree walking to Ottawa came to my mind again and I began to picture and wonder what it was like for them on their journey. I began to delve a little deeper into the story and eventually found the inspiration for the two main characters of my story. David Kawapit said that he had a dream of a bear and a wolf walking down the traditional routes his ancestors used and with that dream came the knowledge of the journey he would make. I thought that instead of telling the story from any of the Cree walkers’ perspective, since they have voices of their own to tell it, I would tell it from the two spirits who brought David the idea – Mukwa and Maheengun.

As I was writing the story I was reminded of how quickly the news faded from my mind and how fast Idle No More has dwindled down in the mainstream media, and so I voice my concern through the characters. I really hope that Nishiyuu – the Journey of the People, has not been in vain; that it will inspire our people to fix problems that have been ignored for too long, but seeing how the Prime Minister thinks pandas are more important than our concerns, I doubt it.

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La marche

Le vent froid de l’hiver transperce leurs manteaux alors qu’ils traversent le lac gelé; il leur crie après et les implore de rebrousser chemin alors qu’il leur envoie de la neige pour les aveugler et mordre leurs peaux exposées. Les sept marcheurs cris qui ont quitté Whapmagoostui continuent de marcher; ignorant les hostilités envoyées par la nature pour les tourmenter. Alors que j’observe, à l’ombre de la ligne d’arbres, je me demande ce qui pourrait motiver une telle action. J’ai entendu les gens parler d’un mouvement nommé Idle No More, que ces jeunes ont peut-être pris un peu trop au sérieux. Il pourrait simplement s’agir de l’aventure qui les appelle ou l’allure que prend le fait d’être un agent du changement; peu importe la raison, cela les amène de nouveau sur de longs chemins sauvages traditionnels qui étaient depuis longtemps devenus obsolètes.

Il y a un bruissement dans les branches alors que Mukwa titube et s’effondre à mes côtés. « Pourquoi... insistes... tu... à... marcher si vite! » demande-t-il en haletant entre deux gorgées d’air. « Mais afin de t’aider à perdre du poids, naturellement » réponds-je alors que je le regarde s’asseoir pesamment. « Très drôle, espèce de chien inutile. Rappelle-moi encore pourquoi on ne peut pas simplement marcher avec le reste du groupe plutôt que d’adopter ce style “loup solitaire”? » Je le fixe d’un regard plat, « Parce que ce n’est pas notre but ici, Mukwa. Je sais que l’hiver ce n’est pas ta période préférée, mais tu devrais être capable de te rappeler les instructions de Gigitowin ».

Il soupire avec fatigue alors qu’il tente de se lever pour jeter un coup d’œil vers le lac; son manteau durci de neige, donnant à la fourrure brune du grizzli des airs d’ours polaire. « Tu crois qu’ils vont se rendre jusqu’au bout? » demande-t-il alors qu’il scrute les silhouettes des marcheurs. « Je ne vois pas pourquoi pas; il ne s’agit que de mille kilomètres pour atteindre Ottawa à partir de leur village et ils peuvent se reposer dans les villages qu’ils croisent en chemin. »

Les marcheurs ont atteint l’autre côté du lac, au sein du refuge que fournissent les arbres; le vent semble émettre un dernier hurlement de frustration avant de se transformer en une brise douce. Je me lance dans un trot léger. « Nous devrions continuer, » crié-je à Mukwa qui grogne quelques menaces en guise de réponse. J’accélère jusqu’à atteindre une vitesse semblable au sprint et nous commençons notre course de dépistage. Nous courons autour des marcheurs, cachés de leur vue, à l’affût de tout danger qui pourrait blesser le groupe. Le monde ne présente plus la plupart des dangers qui existaient autrefois, les gens ne font pas la guerre aux villages avoisinants et les animaux ont appris il y a longtemps à éviter les humains dans la mesure du possible, mais il existe encore certaines menaces qui inquiètent les aînés, alors nous gardons l’œil ouvert et nous écoutons afin de nous assurer de la sécurité des marcheurs et afin d’apaiser les esprits des aînés.

 

La couverture de nuages se lève afin de révéler que le jour tire à sa fin. Les marcheurs choisissent d’établir leur campement sur la berge d’un autre lac qu’ils avaient rencontré; ils ont une vue parfaite du soleil couchant qui enflamme les nuages avec sa brillance et fait scintiller la neige des différents tons orangés et rosés de la lumière qui a été peinte sur la surface du lac. Pour les sept jeunes Cris, le tout est certainement encore plus beau suivant le blizzard au travers duquel ils ont dû marcher.

Alors que la nuit s’installe, nous commençons à apercevoir les faibles lueurs des feux de camp, seule lumière à la ronde à l’exception de celle de la lune et des étoiles. Puis, soudainement, les aurores boréales explosent dans le ciel, offrant un spectacle éblouissant pour les marcheurs, mais un suscitant un sentiment de malaise pour nous. Je me tourne vers Mukwa, « Selon toi, qu’est-ce qui les rend si excités? ». Il hausse les épaules, mais continue à regarder l’aurore. « Le rêve de ce David Kawapit en a peut-être inspiré plus que juste six autres. Qui sait, peut-être que nous en verrons des centaines se joindre à eux d’ici la fin et qu’il s’agira du premier pas vers la réunification des peuples brisés. » Je ris à cette affirmation! « Donc le premier pas vers le changement commence par un parcours d’un millier de miles, c’est ça? » Il hausse les épaules. « Pourquoi pas? Combien de fois as-tu vu une personne changée par un parcours changer ensuite son village? Pourquoi sept personnes voyageant vers la capitale ne pourraient-elles pas inspirer une nation? » Sur ce, Mukwa s’éloigne de la rive, me laissant seule avec mes pensées.

Je regarde vers les lumières de l’autre côté du lac en direction des marcheurs qui se reposent; je suis certaine qu’ils atteindront leur destination; ce qui m’intéresse est de savoir comment leur voyage les affectera et comment ils changeront ou inspireront une nation, comme le pense Mukwa. Je regarde une fois de plus vers les lumières. « Que leur réserves-tu? » Je me lève, je secoue la neige de ma fourrure, jette un dernier regard en direction du camp et suis les larges traces de pas de Mukwa pour retourner dans la forêt.

David Kawapit est ses compagnons ont effectué un voyage de 1600 kilomètres de leur village de Whapmagoostui, au Québec, jusqu’à la Colline du Parlement à Ottawa; ils ont mis trois mois à compléter le trajet et ils ont inspiré plusieurs autres personnes à se joindre à eux dans leurs protestations au sujet des questions autochtones actuelles. Le groupe de jeunes Cris espérait s’entretenir avec le premier ministre une fois arrivés à leur destination, mais ils ont alors appris qu’il était absent pour des affaires importantes au zoo de Toronto. Les sept Cris ont fini par mener un groupe de près de 400 marcheurs jusqu’aux marches du Parlement et ont peut-être ravivé le mouvement Idle No More.

 

 

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